Le spinnerbait fait partie de ces leurres iconiques du black bass qui divisent les pêcheurs français. Trop souvent cantonné à une utilisation basique ou carrément délaissé, ce leurre révèle pourtant une polyvalence extraordinaire… à condition de comprendre ses subtilités. Jean-Christophe David, fort de son expérience américaine et de ses échanges avec des spécialistes comme Jason Christie, nous livre les clés d’une utilisation optimale de cet outil fascinant.
Au-delà des idées reçues : repenser le spinnerbait
« Ce ne sont pas que les palettes qui comptent »
La première erreur, selon Jean-Christophe David, consiste à réduire le spinnerbait à ses palettes rotatives. « Il ne faut pas penser qu’un spinnerbait, la partie qui entre en action, c’est juste les palettes », insiste-t-il. Cette vision réductrice empêche de comprendre le fonctionnement global du leurre et limite considérablement son potentiel.
L’armature métallique joue un rôle crucial : « L’armature avec les palettes en haut et le fait que l’armature soit dans l’axe de la tête, ça protège votre hameçon, ça vous permet de passer à travers tous les obstacles. » Cette conception fait du spinnerbait un leurre de contact par excellence, parfait pour prospecter les zones encombrées où se cachent les gros poissons.
Le mythe du poids et de la profondeur
Deuxième idée reçue tenace : plus le spinnerbait est lourd, plus on pêche profond. « Ce n’est pas parce que votre spinnerbait est lourd que vous allez pêcher profond », rectifie notre expert. Le poids influence certes la vitesse de descente, mais c’est surtout le choix du trailer qui déterminera l’évolution du leurre dans la colonne d’eau.
Les palettes : Colorado vs Willow
Colorado : la puissance en eaux difficiles
Les palettes Colorado, de forme arrondie, constituent l’arme de choix pour les conditions difficiles. « Cette forme de palette plutôt ronde va vous permettre d’envoyer beaucoup de vibrations, d’envoyer un peu moins de flash, mais vous allez pouvoir pêcher plus lentement dans des eaux très chargées ou en eau froide. »
Jean-Christophe David n’hésite pas à utiliser des spinnerbaits à palettes Colorado par 4 degrés : « Je pêche au spinnerbait dans une eau qui est à 4 degrés. C’est fabuleux avec des palettes Colorado. » Cette approche, impensable pour beaucoup de pêcheurs français, révèle toute la polyvalence du leurre.
Willow : le flash pour les eaux actives
À l’opposé, les palettes Willow (en forme de feuille) privilégient le flash sur les vibrations. « Vous avez la willow qui va envoyer beaucoup de flash et vous permettre de pêcher relativement rapidement. C’est un des leurres qu’on va déjà utiliser par des eaux un petit peu plus chaudes, ou disons, des eaux au-dessus de 12 degrés. »
Ces palettes excellent en été, permettant de couvrir rapidement de vastes zones et de déclencher les attaques par réflexe.

Le trailer : l’élément déterminant
Comprendre l’impact sur la nage
Le choix du trailer transforme radicalement le comportement du spinnerbait. Jean-Christophe David distingue deux grandes catégories :
Les trailers fins et allongés : « Vous mettez soit une espèce de ver ou de finesse, une chose un peu fine et allongée qui va donner beaucoup de naturel, peu de résistance, donc votre spinnerbait va pouvoir être pêché plus creux. »
Les shads volumineux : « Vous allez mettre un soft swimbait, ce que les gens appellent un shad derrière, où vous allez donner beaucoup de vibrations et vous allez intensifier cet aspect ‘respiration’ de votre spinnerbait. »
L’effet sur la profondeur d’évolution
Un point crucial souvent méconnu : « Un gros spinnerbait, 30 grammes avec de grosses palettes, si vous mettez une queue de paddle tail qui est assez importante, un gros shad ou une écrevisse qui a pas mal de poids, vous allez pouvoir maintenir ce leurre relativement lourd le faire presque flotter dans très peu d’eau, dans 1m, 1m50. »
Cette technique permet d’exploiter des zones peu profondes avec un leurre lourd, générant d’importantes vibrations même en eau froide ou chargée.

La règle d’or : jamais d’hameçon auxiliaire
L’enseignement de Jason Christie
Jean-Christophe David partage un conseil précieux reçu de Jason Christie, la référence mondiale du spinnerbait : « Jamais d’hameçon auxiliaire. Jamais, parce que si vous adaptez parfaitement la taille de votre trailer à votre leurre, vous allez obliger le poisson à venir attaquer cette partie. »
Cette approche va à l’encontre des habitudes françaises mais s’avère redoutablement efficace : « Quand vous pêchez dans un environnement qui reçoit un petit peu de pression, avec des poissons qui sont un peu méfiants… Votre ratio de touches ne baisse pas, même le contraire. »
Le dimensionnement parfait
L’erreur classique consiste à laisser dépasser le trailer : « Je déteste quand vous avez l’arrière de votre leurre qui est là et vous avez votre trailer qui va dépasser 10-15 cm derrière. C’est complètement contre-productif parce que ça permet au poisson de venir le pincer. »
Techniques d’animation selon les saisons
Été : vitesse et flash
En période chaude, privilégiez les palettes Willow avec un trailer fin. Cette combinaison permet de pêcher rapidement, de couvrir du terrain et d’exploiter même la pleine eau loin des structures.
Automne/Hiver : vibrations et lenteur
Les palettes Colorado prennent le relais, accompagnées de trailers volumineux générateurs de vibrations. « Votre poisson va le repérer de très loin malgré les conditions un petit peu compliquées. »
Applications multi-espèces
Le spinnerbait ne se limite pas au black bass. Jean-Christophe David l’utilise avec succès sur brochet et grosse perche : « Sur le brochet, sur la grosse perche et sur le black bass, c’est fabuleux. »

Cette polyvalence en fait un leurre de choix pour explorer de nouveaux secteurs ou adapter sa stratégie en cours de session.
Conseils pratiques pour débuter
Le matériel adapté
- Canne : Medium-Heavy, 7 pieds minimum pour optimiser les lancers
- Moulinet : Ratio rapide (7:1 minimum) pour les récupérations soutenues
- Fil : Tresse fine pour les lancers lointains, bas de ligne fluorocarbone en structure
La progression logique
- Commencez simple : spinnerbait 1/2 oz, palettes Colorado, trailer shad
- Variez les vitesses : de la récupération soutenue à la tirée-relâchée
- Explorez les obstacles : le spinnerbait excelle dans l’accroche
- Adaptez selon les conditions : eaux froides = Colorado, eaux chaudes = Willow
Conclusion : redécouvrir un classique
Le spinnerbait illustre parfaitement cette réflexion de Jean-Christophe David : « Il est important d’avoir à l’esprit qu’un leurre s’adapte à un environnement avant de s’adapter à un poisson. » Comprendre ses mécanismes, c’est ouvrir la porte à une pêche plus efficace et plus variée.
Loin d’être un leurre dépassé, le spinnerbait révèle sa modernité à qui sait l’apprivoiser. Dans un contexte où la technicité prend parfois le pas sur l’efficacité, ce retour aux fondamentaux s’avère salutaire. « Avant d’apprendre les exceptions, il faut apprendre les règles », rappelle notre expert. Le spinnerbait, dans sa simplicité apparente, nous enseigne ces règles fondamentales de la pêche aux leurres.
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à expérimenter ces concepts sur vos parcours habituels. Le spinnerbait vous réservera certainement des surprises, à condition de lui laisser sa chance.