Thomas VOGELS : L’homme derrière vos boîtes de leurres (Illex)

Carnassier

Dans l’univers de la pêche aux leurres, certains noms résonnent sur les berges et dans les conversations entre pêcheurs. Mais derrière les produits que nous utilisons quotidiennement se cachent parfois des figures plus discrètes, dont l’influence sur nos pratiques est pourtant considérable. Thomas Vogels, Product Manager chez Illex depuis plus de 15 ans, fait partie de ces personnages incontournables qui façonnent silencieusement l’évolution de notre passion.

Né en juillet 1977, Thomas gère aujourd’hui un portefeuille de plusieurs milliers de références qui équipent la majorité des pêcheurs européens. Mais au-delà de cette responsabilité industrielle, Thomas reste avant tout un pêcheur passionné, compétiteur redoutable en truite de montagne et explorateur infatigable des eaux françaises en paddle.

Des Débuts Modestes à une Carrière d’Exception

L’histoire de Thomas Vogels dans l’industrie halieutique commence loin des leurres, dans l’univers de la pêche au coup chez Corbeil-Essones. C’est là qu’il rencontre Gregory Steff, figure emblématique qui lui fait découvrir BBF (Black Bass France) et ouvre les portes d’un réseau qui marquera définitivement son parcours.

« C’est grâce à Gregory Steff que j’ai découvert BBF », explique Thomas. Les premières animations en magasins aux côtés d’Hiroshi Takahashi, Frédéric Miessner et Tanguy Marlin forgent alors sa passion pour les techniques modernes. Ces rencontres, basées sur « l’affinité, l’amitié, la pêche ensemble », débouchent sur son entrée chez Lucky Craft en février 2004.

Chez Lucky Craft, Thomas évolue rapidement aux côtés de Tanguy MARLIN comme conseiller technique. Lorsque ce dernier rejoint Molix en 2006, c’est Frédéric Miessner qui le rejoint dans l’aventure. Cette période voit naître FTF (French Touch Fishing), concept novateur qui pousse les techniques françaises au-delà des frontières nationales.

L’Arrivée chez Illex : Un Tournant Décisif

En 2009, Thomas fait face à un choix crucial. Deux opportunités s’offrent à lui : remplacer Hiroshi Takahashi qui part chez Rapala, ou rejoindre « la maison verte », Illex. Son choix se porte sur cette dernière option, décision qu’il ne regrette absolument pas : « J’ai appris beaucoup de choses, j’ai collaboré avec beaucoup de personnes, j’ai eu plus d’opportunités. »

Chez Illex, Thomas VOGELS trouve sa voie dans le développement produit européen. « Je suis peut-être plus pudique mais je suis plus dans le développement, je suis plus dans le travail avec les équipes européennes », confie-t-il. Cette approche continentale correspond parfaitement à sa vision : « On ne pêche pas de la même façon en Allemagne qu’en France. On n’a pas les mêmes approches, on n’a pas les mêmes techniques, mais on a tous la même passion. »

Product Manager : L’Homme Derrière 2500 Références

Le poste de Product Manager chez Illex représente « un gros panel, de grosses responsabilités, un gros boulot. Il ne faut pas être fainéant », résume Thomas. Sa mission couvre un spectre impressionnant : gestion de la sélection et collaboration étroite avec Jackal, sélection des produits, création de coloris, développement de gammes spécifiquement européennes.

L’un des aspects les plus intéressants de son travail concerne l’adaptation des leurres japonais au marché européen. « Il est hors de question de mettre en concurrence les coloris qu’ils ont au Japon et qui ne correspondent pas forcément aux attentes des pêcheurs européens », explique-t-il. Cette approche a donné naissance à des collaborations fructueuses, comme le Flat Tricoroll et le Tricoroll Ryushin, « deux leurres qui ont été faits spécifiquement pour nous » avant de rejoindre la gamme japonaise.

Mais Thomas ne se contente pas d’importer : il développe aussi des leurres 100% Ilex. Son premier projet, le Wood loose lancé en 2010, reste un souvenir marquant de ses débuts dans la création.

Le processus de développement suit une logique rigoureuse : « Ça peut partir d’une idée, ça peut partir d’une discussion. Le lendemain on appelle, on écrit le cahier des charges. » Après externalisation des designs, 80% des projets sont validés, 20% nécessitent des retravaux ou sont abandonnés. Thomas travaille constamment avec 1 à 2 ans d’avance, élaborant déjà le catalogue 2027 tout en gardant certains projets en réserve pour 2028.

Le Compétiteur : Salmo Trec, l’Exigence de la Haute Montagne

Au-delà de ses responsabilités professionnelles, Thomas nourrit une passion particulière pour la compétition de truite en haute montagne. Le Salmo Trec, organisé dans les lacs des Pyrénées au Néouvielle, représente pour lui un défi unique qu’il relève pour la quatrième fois.

Cette compétition hors normes rassemble 101 équipes sur trois jours en complète autonomie. « C’est 50 commissaires, c’est la préfecture, c’est la gendarmerie de haute montagne qui est en alerte », décrit Thomas. Les participants parcourent en moyenne 65 kilomètres à pied sur les trois jours, transportant leur équipement complet.

La contrainte du portage influence directement les choix techniques. Thomas opte pour deux cannes UL de 2,30m : une pour la finesse (petites cuillères ondulantes, leurres souples type tiny fry 50), l’autre pour des leurres plus conséquents (casting jig de 10 à 20 grammes pour les ombles chevaliers). « C’est vraiment très minimaliste », souligne-t-il.

La technique de pêche en lac d’altitude requiert une approche particulière. « L’idée c’est de ne pas la voir. Si tu la vois, c’est pas bon signe. C’est de la pêche à l’instinct. » Thomas privilégie les bas de ligne en 14e ou même 12e, descendant parfois au 17e pour affiner l’approche sur ces truites méfiantes qui mesurent en moyenne 25-26 cm, avec de beaux spécimens atteignant 35-40 cm.

Ses Techniques par Espèces : Le Savoir-Faire du Terrain

La Perche : Reine des Eaux Européennes

« Le brochet et la perche, c’est vraiment les deux tops en France, Allemagne, Pays-Bas, globalement en Europe ça reste le numéro un », confirme Thomas. Pour la perche, sa panoplie comprend minnow, crankbait, leurres souples, petits bladebait, chatterbait et spintail, dans des tailles de 5 à 9 cm.

Côté coloris, ses préférences vont vers « le rose, le blanc, le lime chartreuse, le bleu ». L’approche matériel privilégie des cannes rapides en UL ou ML selon l’environnement. Longtemps réticent à la tresse, Thomas s’y est finalement converti : « Ces dix dernières années, il y a eu une très grosse évolution au niveau des tresses. » Il utilise désormais de la 8 brins, voire 6 brins, avec du fluoro en 19/100.

Le Brochet : L’Approche Automnale

Thomas concentre sa pêche du brochet sur l’automne et l’hiver : « Dès que ça commence à se refroidir, l’hiver où ils sont très actifs, j’adore ça. » Sa sélection comprend swimbait, jerkbait minnow et leurres de réaction. Contrairement aux grandes étendues, il privilégie « les petites zones, les petits lacs, les petites gravières, les rivières de second ordre », approche qui lui permet d’être « plus en communion avec la nature ».

La truite : finesse et instinct

En lac d’altitude comme en rivière, Thomas mise sur la discrétion. Le tiny fry 50 fait partie de ses incontournables : « Avec ça tu pêches la truite, tu pêches la perche, tu pêches le chevesne. » L’approche instinctive prime sur l’observation directe du poisson.

La pêche en paddle : Une révélation

Depuis sa découverte il y a 12-13 ans, le paddle est devenu pour Thomas VOGELS »une autre approche ». Cette technique offre des perspectives uniques : « Ça permet d’être en rivière, en lac, de voir les poissons, d’approcher un sandre ou un bass de voir même un chevaine traîner une espèce de petite larve comme ça au fond. »

Thomas pratique le paddle de manière exhaustive, avec bivouac et matériel de camping : « Je ne conçois pas un paddle sans bivouac. » Il emporte systématiquement « le sac étanche, le hamac, des flageolets, un oignon, des œufs et on a un petit réchaud », pour des sorties complètement autonomes.

La technique paddle modifie l’approche de pêche. Thomas utilise une canne MH pour « tout ce qui va être chatterbait, spinnerbait en pêche de réaction, minnow » et adapte selon l’activité des poissons. Les coloris or, blanc, Fire Tiger dominent sa sélection pour leur visibilité dans les branches et herbiers.

Sa vision du marché et des tendances

Observateur privilégié du marché européen, Thomas constate les évolutions techniques majeures. Le live scope représente selon lui « une vraie révolution ». Bien qu’il reste personnellement sur une approche plus traditionnelle (« Je suis très basique, je descends la rivière, je pêche les bordures toute la journée »), il reconnaît l’impact de ces technologies sur les pratiques.

Les différences entre marchés européens sont notables. Les Pays-Bas, par exemple, accusent un retard sur l’adoption des techniques japonaises : « Ils ont un cheptel, ils pêchent dans des eaux riches en poissons. » Leur approche historiquement influencée par les techniques nord-américaines évolue progressivement vers plus de finesse.

L’évolution majeure qu’il identifie concerne le « live strolling », technique venue du bass qui consiste à présenter « une espèce de petit minnow ou un hybride pour pêcher entre deux eaux ». Cette approche devrait selon lui se développer sur la perche et même le brochet dans les années à venir.

Philosophie et conseils d’un pêcheur accompli

Thomas développe une approche respectueuse de la saisonnalité : « J’essaie de pêcher selon la saisonnalité. Je vais faire beaucoup de brochet à l’automne, je vais faire beaucoup de perche l’hiver. » Cette philosophie s’étend à la préservation : « Ce n’est pas pêcher un brochet au mois d’août en période de forte chaleur. Pas une seule truite. Il y a un moment où je pense qu’il faut laisser se reposer. »

Malgré la complexité du marché actuel avec ses 2500 références, Thomas prône une approche raisonnée : « Il y a tellement de concurrence aujourd’hui, les pêcheurs ont des boîtes pleines. Même moi, tu vois, aujourd’hui c’est difficile parfois de m’y retrouver. » Sa recommandation : garder ses bases, ses leurres de confiance, plutôt que de céder à la surenchère.

Ses incontournables

Parmi ses leurres fétiches, Thomas cite le tiny fry 50 pour sa polyvalence exceptionnelle, les petits cranks et spintails comme les Rascoon pour la perche, et bien sûr l’indétrônable Nitro pour le bar et le brochet. Concernant ce dernier, il confirme la continuité de production malgré les difficultés rencontrées par l’usine fabricante.

L’avenir selon Thomas Vogels

Sans dévoiler les secrets du catalogue 2027 (« Je vais me faire couper une oreille »), Thomas laisse entrevoir l’évolution du marché vers plus de technicité dans les animations et les présentations. Le live scope continuera d’influencer les développements, même si tous les pêcheurs ne l’adoptent pas.

Thomas Vogels incarne cette génération de professionnels qui ont accompagné la révolution des techniques de pêche aux leurres en Europe. Product Manager influent, compétiteur exigeant, pêcheur passionné, il continue de façonner discrètement mais efficacement l’évolution de notre pratique. Ses choix de développement chez Illex, ses adaptations aux spécificités européennes et sa vision du marché font de lui un acteur incontournable de la pêche moderne.

Pour les pêcheurs curieux de découvrir ses créations, Thomas annonce un jeu-concours prochainement : quatre boîtes thématiques (une par espèce : perche, brochet, truite et une généraliste) seront à gagner. « Vous choisirez selon vos affinités de pêcheurs », promet-il, offrant ainsi à chacun la possibilité de tester sa sélection d’expert.


Cet article est basé sur l’interview complète de Thomas Vogels. Pour en savoir plus sur les produits Illex et suivre l’actualité de la marque, n’hésitez pas à consulter leurs canaux officiels.