La pêche du brochet en linéaire est sans doute l’une des techniques les plus efficaces et accessibles pour traquer le grand brochet. Simple en apparence – on lance, on ramène – cette méthode cache pourtant de nombreuses subtilités qui font toute la différence entre une session réussie et une journée sans touche. J’ai eu le plaisir de recevoir Vincent de Bruyne, guide de pêche professionnel qui passe plus de 200 jours par an sur l’eau, pour décrypter cette technique redoutable.
Qu’est-ce que la pêche du brochet en linéaire ?
Pour Vincent, la définition est limpide : « La pêche du brochet en linéaire, c’est simple : tu lances et tu ramènes. Pas d’animation, pas de traction, pas de pause, pas de changement de plan. Tu lances, tu ramènes. »
Cette simplicité apparente ne doit pas tromper. La technicité réside dans trois paramètres essentiels :
- La bonne profondeur où se trouvent les poissons
- La bonne vibration qui déclenchera l’attaque
- La vitesse de récupération adaptée à l’activité des brochets
Pourquoi la pêche en linéaire est-elle si efficace ?
Vincent commence systématiquement ses guidages par cette technique. Et pour cause : « J’adore ça et c’est assez simple à mettre en œuvre une fois que tu as trouvé la bonne combinaison. »
Cette approche présente plusieurs avantages majeurs :
- Universelle : fonctionne en lac, rivière, étang, du bord comme en bateau
- Toute saison : du printemps à l’hiver
- Toutes profondeurs : de 50 cm à 13 mètres
- Accessible : idéale pour les débutants comme les confirmés
Le grammage : clé de la réussite en linéaire
Adapter le poids de la tête plombée
Le choix du grammage est crucial pour faire passer votre leurre à la bonne profondeur. Voici les recommandations de Vincent :
Entre 0 et 2 mètres : 10 à 14g Entre 2 et 4 mètres : 14 à 20g Au-delà de 4 mètres : 20 à 50g
Vincent n’hésite pas à monter jusqu’à 50 grammes en plein hiver dans 10 mètres d’eau sur les lacs de la Forêt d’Orient. « Ça pète quand même pas mal ! » confie-t-il.
Forme de la tête plombée
- Tête football (ronde) : porte plus le leurre, descente plus lente
- Tête pointue : fait couler plus rapidement, idéale pour les grandes profondeurs
Vitesse de récupération : lent ou rapide ?
La philosophie de Vincent : Le brochet est fainéant
« Je pars toujours du principe que le brochet est fainéant, donc je pêche tout le temps lentement au départ. » Cette approche méthodique est essentielle : Vincent ralentit tellement ses clients en guidage qu’il doit parfois reprendre leur canne pour leur montrer la bonne cadence.
Quand accélérer ?
Il existe des exceptions où pêcher lourd et rapide s’impose :
- En hiver, notamment sur les herbiers avec des têtes de 30g pour « coller au-dessus de l’herbier »
- Pour déclencher l’agressivité des poissons apathiques
- En prospection rapide pour couvrir du terrain
Vincent a même pêché sur le lac d’Orient en décembre, dans 2 mètres d’eau avec des têtes de 30g, en récupération rapide malgré une eau à 4-5°C. Résultat ? « Ça déclenchait toutes les touches ! »

Les leurres incontournables pour la pêche en linéaire
Le G-Bump : Le favori absolu
Le Gunki G-Bump fait partie des leurres linéaires favoris de Vincent, utilisé en 140 et 170 mm :
- G-Bump 140 : pour les pêches lentes et techniques
- G-Bump 170 : plus tonique, idéal pour la prospection
- G-Bump Saltwater 120 : nouveauté polyvalente, fonctionne partout
Le Nitro Shad d’Illex : Le polyvalent
Un « super leurre pour pêcher en linéaire » selon Vincent, avec une particularité unique : il est redoutable même quand il ne nage pas !
Les tailles à privilégier selon la saison :
- Début de saison : 90 et 120
- Température montante : 150
- Automne : 180
« Sous-plombé et ramené lentement, il ne ressemble à rien mais les brochets aiment bien. »
Le grouper : L’Hybride malin
Le Gunki Grouper est un leurre hybride particulièrement efficace dans les faibles profondeurs (50-80 cm) grâce à sa double queue (shad + grub). « C’était vraiment le truc qui faisait la diff » témoigne Vincent après un guidage récent.
Autres leurres efficaces
- Pulse Shad : vibration large, idéal pour débuter
- Sandra/Dexter Grub : quand rien d’autre ne fonctionne
- Finesse shads : depuis l’arrivée du live scope, Vincent les utilise même en linéaire pur
La vibration : plus importante que la couleur
L’approche méthodique de Vincent
Vincent a développé une stratégie précise pour trouver la bonne vibration :
- Commencer large : Pulse Shad, vibration ample qui se met en action dès que le leurre touche l’eau
- Passer au tonique : si pas de résultat, Nitro Shad pour vibration plus rapide
- Finir au grub : en dernier recours, queue virgule type Sandra
« Si je mets un blanc avec une vibration large et que j’ai des touches, puis un blanc avec une vibration tonique sans touche, je change la vibration, pas la couleur ! »
Et les coloris alors ?
Pour Vincent, la couleur n’est pas l’élément déterminant : « Je préfère trouver la bonne profondeur et la bonne vibration. Ça déclenchera toujours des touches. »
La couleur sert à affiner :
- Touches courtes sur Fire Tiger ? Passer à un coloris naturel
- Pas de changement ? C’est bien la vibration le problème
Le montage parfait pour le linéaire
La tresse : 4 brins obligatoire
Vincent est catégorique : « Les 8 brins, c’est la hantise ! »
Ses recommandations :
- Tresse 4 brins exclusivement
- 25/100 sur canne MH
- 30/100 sur canne H et XH
- 35/100 sur canne XXH
« La 8 brins est beaucoup plus fragile au choc. Dès que tu fais des nœuds, c’est l’horreur. »

Le bas de ligne fluorocarbone
Diamètres selon la taille du leurre :
- 10-12 cm de leurre : 60/100
- 15 cm : 70/100
- Plus de 15 cm : 80/100
Longueur de la tête de ligne : 40 à 60 cm de fluoro fort, suivi d’une longueur de canne en 30-35/100.
« Je fais en sorte que ça ne rentre pas dans le moulinet. Ça bloque des fois en lançant. »
Pas d’agrafe !
Vincent refuse catégoriquement les agrafes : « C’est le premier point de rupture sur ta ligne. Et puis quand tu as la flemme de changer, c’est là que le gros poisson se barre avec ton leurre. »
Son expérience aux Seychelles l’a confirmé : après avoir retiré les émerillons, le nombre de touches a drastiquement augmenté. Moins de ferraille = plus de touches.
Matériel recommandé
Les cannes
- Type : action Swimbait Driver, Dark Elf
- Longueur : 2m10 à 2m50
- Puissance : H à XH
- Action recherchée : pointe marquée pour le ferrage, puis pliage progressif pour limiter les décrochés
Vincent utilise notamment l’Illex Night Shadow 220H Swimbait, parfaitement adaptée au G-Bump et Nitro Shad.

Spinning ou casting ?
« C’est la même chose, je pêche en casting mais 20% des guidages se font en spinning et ça tourne. » L’important n’est pas le type de moulinet mais la bonne adaptation du grammage et de la vibration.
Stratégies selon les saisons
Printemps et automne
Pêche sur les bordures peu profondes, leurres plus portants comme le Grouper ou le Drag Spin dans 50 cm à 1 mètre d’eau.
Été
Soit dans les courants (rivières), soit plus en profondeur (lacs).
Hiver
« Les poissons vont descendre et se caler vraiment entre le fond. Il faut pêcher le plus possible du fond. »
Exemple concret : G-Bump 140 plombé 18g, ramené très lentement près du fond. « C’était juste redoutable. »
L’Apport du livescope
La technologie live scope a révélé deux enseignements majeurs :
- On pêche souvent trop vite : « Pêcher vraiment doucement peut déclencher et faire monter les poissons »
- Parfois, il faut aller encore plus vite : « Les poissons viennent chercher le leurre à une vitesse, on n’aurait jamais pêché comme ça avant »
Comme le dit Kevin VanDam : « Si ça ne mord pas, accélère, et si ça mord toujours pas, accélère encore. »
La vérité sur la taille des leurres
Vincent démonte un mythe tenace : pêcher gros ne garantit pas d’attraper gros.
« Si tu passes ton année à lancer des gros leurres, tu feras moins de gros poissons qu’en pêchant avec des shads de 15 cm. »
Pourquoi pêcher « moyen » (15 cm) ?
- Plus de touches = construction de la pêche
- Moins de fatigue = meilleure concentration
- Meilleur ferrage = moins de décrochés
- Les brochets de 120 cm prennent aussi des Nitro Shad de 12 cm !
« Il vaut mieux bien pêcher avec des leurres moyens que mal pêcher avec des gros. »
Les accessoires qui font la différence
Les palettes
À utiliser particulièrement quand :
- Il y a du vent : vibrations et éclats supplémentaires
- Zones shallow : permet de pêcher encore plus lentement
- Poissons difficiles : peut faire la différence
Les attractants
Vincent utilise les Nitro Booster (Crustacé et Sardine) uniquement sur touches courtes : « Ça te fait gagner la demi-seconde qui permet de piquer le poisson. »
Attention : ce n’est pas un facteur déclenchant comme pour le sandre. « Quand tu n’as pas de touche, mettre de l’attractant ne fera pas venir les poissons. »
Conseils pour gérer les changements de température
Les coups de froid, surtout le premier, ont tendance à caler les poissons. La solution ?
- Shad de linéaire lourd (20-30g)
- Très proche du fond
- Récupération tranquille
« Surplombé, très près du fond, tu ramènes ça tranquillou. »
En conclusion
La pêche du brochet en linéaire est une technique accessible mais technique, qui demande de maîtriser trois paramètres essentiels : profondeur, vibration et vitesse. Comme le résume parfaitement Vincent :
« Trouve la bonne profondeur avec la bonne vibration, tu déclencheras toujours des touches. Après, c’est juste de l’ajustement. »
Cette méthode fonctionne toute l’année, dans toutes les profondeurs et pour tous les pêcheurs. Vincent l’utilise 80% du temps en guidage, ce qui en dit long sur son efficacité.
Vous voulez voir Vincent de Bruyne en action ? Retrouvez l’intégralité de notre discussion vidéo sur ma chaîne YouTube. N’hésitez pas à partager vos propres expériences de pêche en linéaire dans les commentaires !