À 30 ans, Arnaud Landrieu incarne une nouvelle génération de guides de pêche. Passionné depuis l’enfance, il vient de quitter une carrière de dix ans dans l’industrie pour se consacrrer entièrement au guidage aux carnassiers dans les lacs de barrage du Cantal. Son parcours atypique et sa philosophie technique en font un profil singulier dans le paysage de la pêche française.
Un enfant qui traverse la France pour sa passion
L’histoire d’Arnaud LANDRIEU commence de manière peu conventionnelle. À 12 ans, ce passionné de pêche à la carpe originaire du nord-est de la France prend une décision radicale : traverser le pays pour intégrer l’unique collège proposant une section pêche, à Saint-Jean-d’Arc à Fougères, en Bretagne.
« J’ai débarqué avec mon fourreau de canne de 13 pieds, ils m’ont connu dans le métro parisien », raconte-t-il. Cette détermination précoce révèle déjà un caractère forgé par une passion dévorante. Le directeur de l’établissement, surpris par cette motivation, trouve une solution inédite : un guide de pêche intervenant dans la section accepte de l’accueillir en famille d’accueil.
Cette période bretonne marque un tournant. Arnaud découvre la pêche aux carnassiers et obtient son premier sponsoring à 15 ans avec Rapala France. Il poursuit ensuite sa formation en Corrèze, près d’un lac de 400 hectares où il affine ses techniques au float tube.

Dix années dans l’industrie : un choix stratégique
Contrairement à beaucoup de passionnés, Arnaud fait le choix de ne pas se lancer immédiatement dans le guidage. Sur les conseils d’un professeur, il préfère acquérir une expérience professionnelle et une stabilité financière avant de vivre de sa passion.
Il intègre alors le secteur du recyclage industriel, gravissant rapidement les échelons jusqu’à gérer une cinquantaine de camions. « Je déteste ne pas savoir de quoi je parle et j’aime aller au bout des choses », explique-t-il pour justifier cette réussite dans un domaine qu’il ne connaissait pas.
Pendant cette décennie, il continue la pêche en amateur, développe son image sur les réseaux sociaux et acquiert une légitimité technique. Cette stratégie lui permet aujourd’hui d’aborder le guidage avec une maturité et une crédibilité que peu de jeunes guides possèdent.
Une philosophie technique : « Le positionnement prime sur le leurre »
La vision d’Arnaud LANDRIEU tranche avec les discours marketing actuels. Fort de son expérience en compétition et de l’utilisation du livescope, il a développé une conviction forte : l’emplacement et l’approche importent davantage que le choix du leurre.
« En compétition, on a gagné avec deux poissons pris sur le même poste, mais avec des leurres diamétralement opposés : un micro jig et un finesse de 25 cm », illustre-t-il. Cette expérience l’a convaincu que la persistance sur une zone prometteuse et la variation des approches surpassent l’obsession du « bon » leurre.
Sur les silures, poissons qu’il affectionne particulièrement, cette philosophie prend tout son sens. « Un silure, si tu ne passes pas parfaitement, tu ne le prends pas. Mais quand il mord, c’est réellement imprenable quand il ne mord pas », analyse-t-il. Le live scope lui a permis de comprendre que ces poissons ne se déplacent quasiment pas pour se nourrir, nécessitant une précision millimétrique dans l’approche.
Un guide au profil unique
Installé dans les lacs de barrage du Cantal, Arnaud propose un guidage axé sur la diversité technique. Ses journées alternent pêche de bordure, linéaire, sharp shooting au live scope et verticale selon les conditions et les envies des clients.
Sa formation BPGEP récemment obtenue lui donne les clés pédagogiques pour transmettre efficacement. « Le premier silure, je le prends pour qu’il voie comment faire, après c’est lui qui fait tout », détaille-t-il sur sa méthode d’enseignement.
Son approche se distingue par un refus du dogmatisme. Il n’hésite pas à remettre en question les idées reçues, comme la pêche du sandre exclusivement hivernale ou en fond, lui qui les capture régulièrement en été en surface.
L’homme derrière le guide
Récemment devenu papa, Arnaud revendique une approche équilibrée de sa nouvelle activité. « Si demain ça ne fonctionne plus, je retournerai dans le commerce », affirme-t-il sans complexe. Cette pragmatisme le distingue d’une certaine romantisation du métier de guide.
Passionné de bateaux, il a su gérer intelligemment l’évolution de son équipement, passant progressivement d’une barque en aluminium de 500 euros à des bass boats plus sophistiqués, toujours en privilégiant l’occasion et le bricolage.
Son message aux plus jeunes est clair : « Il faut travailler. La passion te fera passer des heures à bosser, mais il faut se donner les moyens d’aller où on a envie d’aller. »

Un regard lucide sur l’évolution de la pêche
Arnaud porte un regard nuancé sur les évolutions actuelles de la pêche. Critique envers la survalorisation de certains leurres haut de gamme, il prône un retour aux basiques et à la polyvalence. Son utilisation provocatrice d’une cuillère ondulante lors d’une compétition témoigne de cette philosophie.
Concernant les YouTubeurs pêche, il refuse la diabolisation : « Pour moi, je ne fais pas la différence entre un Bar d’écume et un Sylvain Legendre. Les deux sont des influenceurs. » Il reconnaît leur travail tout en encourageant les pêcheurs à garder un esprit critique.
Perspectives
À 30 ans, Arnaud Landrieu représente une nouvelle génération de guides : formés, expérimentés, maîtrisant les technologies modernes tout en gardant les pieds sur terre. Son parcours prouve qu’il est possible de construire une légitimité technique sans sacrifier la stabilité financière.
Dans les gorges sauvages du Cantal qu’il affectionne, loin des foules et de la pression de pêche, Arnaud continue d’explorer sa passion avec la même intensité qu’à 12 ans. Une constance qui force le respect et inspire une approche authentique de la pêche moderne.
Arnaud Landrieu propose ses guidages dans les lacs de barrage du Cantal et intervient régulièrement dans les médias spécialisés pour partager son expertise technique.