LiveScope, sharp shooting et mid-strolling : comment la technologie redéfinit la pêche moderne
11 juillet 2025
Bateau,Black-bass,Brochet,Carnassier,Materiel
La pêche, c’est souvent une affaire de patience, d’intuition, et de ressenti. Mais aujourd’hui, une révolution est en marche : la technologie s’invite au bout des cannes à pêche, modifiant notre manière de lire l’eau, de cibler les poissons… et même de penser la pêche. LiveScope, sharp shooting, mid-strolling : des mots venus d’outre-Atlantique qui font grincer des dents ou briller les yeux. Tanguy Marlin, compétiteur français reconnu et chef de produit chez Sakura, nous aide à y voir plus clair sur cette nouvelle ère, à la croisée du plaisir et de la performance.
Voir sous l’eau : le LiveScope change tout
Avant, on « lisait » les fonds. On interprétait les courbes d’un sondeur, on imaginait ce qui se passait sous la surface. Avec le LiveScope, tout a changé.
« C’est comme si tu avais mis des lunettes à travers l’eau. Tu vois le poisson nager, réagir, fuir ou s’arrêter… C’est fascinant. » Tanguy MARLIN
Ce n’est plus juste un outil, c’est une fenêtre ouverte sur le monde subaquatique. Et ce que les pêcheurs découvrent les bluffe : des poissons qui suivent sans attaquer, d’autres qui fuient à la moindre vibration, des bancs entiers immobiles sur une souche…
« Ça m’a aidé à comprendre pourquoi certaines techniques « ne marchaient pas ». En fait, les poissons étaient là… mais ils refusaient. »
Mais attention, le LiveScope ne donne pas la clé magique. Il remplace l’intuition par l’observation, ce qui est puissant… mais aussi déroutant. La question devient alors : faut-il tout voir pour mieux pêcher ?
Sharp shooting : la précision au millimètre, pas sans débat
Le sharp shooting est la technique qui cristallise les tensions. L’idée ? Voir un poisson, lui lancer le leurre au nez, et espérer une réaction immédiate. Efficace ? Oui. Éthique ? Cela dépend du point de vue.
« Il y a des jours où c’est du sniper. Tu vises, tu lances, il monte. Mais d’autres fois, tu passes pour un clown. Le poisson t’ignore royalement. »
Ce type de pêche repose autant sur la précision du geste que sur la lecture en direct du comportement du poisson. Et c’est là que la maîtrise technologique fait la différence : il ne suffit pas de voir le poisson. Encore faut-il le comprendre.
Mais cette approche a ses détracteurs : pêche trop assistée, réduction du « hasard », impact sur les populations… Pourtant, pour Tanguy :
« C’est un outil, pas une tricherie. Mal utilisé, tu feras fuir tout le spot. Bien utilisé, tu t’ouvres à une autre dimension de la pêche. »
Mid-strolling : la finesse en mouvement
Venue des États-Unis, la technique du mid-strolling séduit de plus en plus. Moins brutale que le sharp shooting, elle demande doigté et observation.
« C’est une pêche de lecture, de contrôle, presque de danse entre ton leurre et le poisson. »
Le concept est simple : faire évoluer un petit leurre entre deux eaux, en suivant à l’écran la réaction des poissons en temps réel. Sauf que dans la pratique, c’est bien plus subtil. Il faut choisir le bon grammage (5 à 14 g en général), avoir une animation douce, et surtout… pêcher lentement, ce qui est contre-intuitif pour beaucoup.
« C’est bluffant sur les perches et black-bass, surtout en plan d’eau difficile. Tu ne fais pas de bruit, tu poses ton leurre juste là où il faut. »
C’est une pêche silencieuse, parfois monotone, mais diablement efficace quand les poissons sont tatillons.
Eau douce vs mer : deux mondes face à la technologie
Et en mer ? Le LiveScope y a-t-il sa place ? Réponse courte : plus difficilement. Tanguy l’explique très simplement :
« En mer, les poissons nagent en permanence. Et quand ce n’est pas eux, c’est toi qui bouges à cause du courant. »
Contrairement aux plans d’eau douce où l’on peut « poster » un leurre sur un poisson immobile, en mer, la mobilité domine. Le LiveScope peut aider sur certains spots précis (rochers, tombants, épaves), mais reste limité dans des environnements plus ouverts ou turbulents.
« Je l’utilise parfois sur les sars ou les dorades postées dans les roches. Là, oui, tu peux faire la différence. Mais sur la pêche au bar en dérive, ça sert à rien. »
Plaisir ou performance : faut-il choisir ?
C’est la grande question qui traverse aujourd’hui le monde de la pêche : jusqu’où peut-on aller sans dénaturer l’essence même de notre passion ? Voir les poissons, les cibler, les comprendre en direct… Oui, c’est grisant. Mais cette efficacité croissante ne nous fait-elle pas perdre quelque chose ?
Tanguy est lucide sur ce point :
« Il faut être honnête : une fois que tu as goûté au LiveScope, tu as du mal à t’en passer. Mais il faut apprendre à le poser. »
La technologie crée une forme de confort. Elle permet de « rassurer » le pêcheur, de savoir qu’il y a du poisson, même si ça ne mord pas. Elle répond à notre besoin de contrôle. Mais en parallèle, elle affaiblit parfois notre capacité à pêcher « au flair », à prendre des risques, à interpréter des signes subtils comme un remous, un courant, une ombre…
« Ce que j’aime encore aujourd’hui, c’est prendre ma float-tube, aller pêcher en bordure, sans écran, sans moteur, juste moi et ma canne. C’est une autre pêche, mais c’est pas une sous-pêche. »
En vérité, le plaisir et la performance ne sont pas incompatibles. Tout dépend de l’intention avec laquelle on aborde une session. La technologie peut amplifier le plaisir si elle est bien intégrée. Elle peut aussi le tuer si elle prend toute la place.
Rester pêcheur avant tout
Ce que Tanguy défend, ce n’est pas un retour en arrière ou un rejet du progrès. C’est un équilibre à retrouver.
« Il ne faut pas devenir monomaniaque. Ce n’est pas parce qu’on a une sonde dernier cri qu’il faut oublier ce que c’est de prendre une canne light et de pêcher un ruisseau pour la beauté du geste. »
Être un bon pêcheur aujourd’hui, c’est savoir quand utiliser la technologie… et quand s’en passer. C’est comprendre que le LiveScope, le sharp shooting ou le mid-strolling ne sont que des outils, parmi tant d’autres. Et que l’on pêche aussi avec son instinct, sa mémoire, ses émotions.
Et surtout, c’est rester humble. Parce que même avec le meilleur matériel, le poisson reste maître du jeu.
Conclusion : La technologie n’est pas la fin du jeu, juste une nouvelle partie
L’arrivée des outils comme le LiveScope n’est pas une menace pour la pêche. C’est une évolution, une ouverture, un prolongement du regard du pêcheur. Mais elle nous oblige à nous poser les bonnes questions :
Qu’est-ce que je cherche vraiment dans cette activité ?
Est-ce la prise, ou le chemin pour y arriver ?
Est-ce que je pêche pour cocher des cases, ou pour vivre des moments ?
« Le LiveScope, c’est comme une carte. Elle t’aide à trouver le chemin, mais c’est à toi de décider si tu veux courir… ou flâner. »
En fin de compte, la vraie richesse de la pêche ne viendra jamais d’un écran. Elle viendra de ce moment où tu sens un toc discret, d’un lever de soleil sur une rivière calme, d’un poisson qui prend à contre-pied toutes tes certitudes.